Le coronavirus, en plus des victimes sur le plan humain, fait aussi des victimes sur le plan économique. L’épidémie affecte le milieu des affaires dans le monde, notamment au Burkina Faso. L’importation et l’exportation des produits ont pris un coup. Les commerçants le reconnaissent. Les langues se délient dans les marchés et Yaars de Ouagadougou.
Assis dans l’un de ses magasins, le regard triste, Inoussa Kaboré, importateur de produits depuis 20 ans, faisait trois fois le voyage Chine-Burkina par an. Il fait dans les commandes de matériaux de quincaillerie pour la construction de gros œuvres, notamment pour les mines, les bâtiments et les usines.
Il n’a pas besoin de dire que l’impact du coronavirus affecte son commerce. Les cartons vides entassés dans son espace de stockage de produits en disent long sur la morosité de son commerce ces derniers temps. « Cela risque de provoquer des pénuries », marmonne l’homme frisant la cinquantaine.
« Ce que vous voyez, c’est notre dernier stock. Ce sont des milliards qui échappent à l’économie burkinabè. Avec cette affaire, forcément, il y aura une pénurie. Et s’il y a pénurie, il y a spéculation des prix. On ne peut pas éviter. On voit venir, mais seul le bon Dieu peut nous épargner de ça », lâche Inoussa Kaboré, la tête baissée. Avec cette épidémie de coronavirus, les commerçants n’ont cependant pas les bras croisés. Ils sont constamment en quête de solution.
Inoussa Kaboré préconise, par exemple, de commander les marchandises dans d’autres pays. Mais, il y a l’autre face de la médaille. Le coût des produits dans ces autres pays semble élevé. « On peut avoir la marchandise en France, à Dubaï, mais ce sont les prix qui sont différents. Il y a le Nigéria qui était un gros fournisseur, mais actuellement la frontière est fermée. Le regard est tourné sur les Emirats, mais ce n’est pas comme la Chine », détaille le commerçant grossiste.
L’exportation des produits vers la Chine également aux arrêts
Autre lieu, même constat. De son côté, Souleymane Kaboré, vendeur de cycles et cyclomoteurs à Ouagadougou, déplore la morosité du marché des deux roues.
« Avec l’apparition du virus, c’est devenu compliqué. Personne ne peut aller en Chine. Il risque d’y avoir une pénurie dans la chaîne d’approvisionnement. On ne sait plus à quel saint se vouer. Le Nigéria a aussi fermé sa frontière. On ne sait pas combien de temps va durer cette situation », s’inquiète-il, après une visite guidée de son lieu de travail.
L’importation n’est pas le seul aspect économique affecté par l’épidémie. « Si rien ne rentre, c’est que rien ne sort », analyse un autre grossiste ayant requis l’anonymat au marché 10 Yaar.
Il fait comprendre que la Chine se positionne comme la 14e destination des produits burkinabè avec 0,4% des exportations totales. Les principaux produits burkinabè qui sont exportés vers la Chine sont, entre autres, les graines de sésame (95%), les minerais de manganèse (4%) et la gomme arabique.
« Au regard du niveau élevé de certains produits tels que le sésame qui fait partie de nos principaux produits d’exportation, l’apparition du coronavirus a eu un impact certain sur les échanges commerciaux. Sur le sésame, les grands exportateurs burkinabè sentent les effets du coronavirus.
En effet, des commandes sont en souffrance, car la partie chinoise a demandé leur suspension. En plus, le prix d’achat qui était de 635 francs, le kilo a connu une baisse, passant à 585 francs le kilo après l’apparition du virus avant de rebondir légèrement à 605 francs cette semaine.
En plus, beaucoup d’usines sont fermées à cause du virus. Et cela ralentit fortement les exportations avec les pays partenaires comme le Burkina Faso » (Issa Benjamin Baguian, directeur général de l’APEX – Agence pour la promotion des exportations du Burkina)
En guise d’alternative, le directeur général de l’APEX, Issa Benjamin Baguian, propose aux exportateurs de diversifier les marchés. Il ajoute que c’est d’ailleurs l’une des missions principales de leur structure de rechercher des marchés porteurs pour les acteurs. A cet effet, il affirme que des fora et salons sont organisés dans plusieurs pays pour pouvoir diversifier les marchés.
La Chine, c’est l’atelier du monde
L’épidémie sévit. Mais la vie continue en Chine ainsi que partout dans le monde. Avec l’évolution des recherches scientifiques, l’espoir renaît petit à petit. Beaucoup d’acteurs, à l’image du directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso, Issaka Kargougou, restent confiants quant à une issue heureuse de cette situation et quant à la reprise des activités économiques avec l’Empire du Milieu.
« La maladie a fait son apparition en décembre dernier. Nous constatons que beaucoup de dispositions ont été prises. Nous constatons qu’il y a une limitation des déplacements en direction de la Chine. De ce fait, nous avons noté une réduction du volume des déplacements et par voie de conséquence, il peut y avoir un ralentissement dans l’approvisionnement du pays. Mais, je pense qu’avec les mesures qui sont prises en Chine, dans les temps qui viennent, il y a aura la quiétude pour que l’activité économique mondiale reprenne. Parce que la Chine, c’est l’atelier du monde », rassure-t-il.
« La situation s’améliore progressivement »
Comme solution palliative, selon lui, les acteurs burkinabè doivent trouver d’autres sources alternatives d’approvisionnement du pays et une occasion de transformer les produits locaux. L’ambassade de la Chine a annoncé, le 25 février 2020, que « la situation s’améliore progressivement ». Le Président chinois envisage la réouverture très prochainement des usines qui ne sont pas dans les zones touchées.
Il faut noter que le coronavirus est apparu dans la ville de Wuhan en république de Chine en décembre 2019. À la date du 23 février 2020, le bilan était de 77.042 cas confirmés en Chine dont 2.445 décès et 1.769 cas confirmés dans plus de 28 pays.
En rappel, le commerce constitue l’un des secteurs les plus importants de l’économie burkinabè. En matière d’échanges commerciaux avec le reste du monde, l’Asie est placée au 2e rang de partenaire commercial selon le directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso. En termes de sources d’approvisionnement, la Chine occupe la première place avec environ 13% des importations totales du Burkina en 2018.
Selon les statistiques de 2019 de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso, le Burkina Faso importe de la Chine environ 300 milliards de FCFA par an toute catégorie de biens confondus. Egalement, au moins 2.000 opérateurs économiques ont des relations régulières d’importation avec ce pays. Depuis l’apparition du coronavirus, ces chiffres sont à revoir.
Jules César KABORE
Burkina 24