« C’est vrai que “j’ai pas pieds” comme on dit. Mais grâce à mes trois roues, je gère ». Dans l’à propos de sa page Facebook qui regroupe plus de 1700 followers, Sidnoma Souleymane Ouédraogo alias ‘’Souley, le coursier sans pieds’’, donne déjà le ton. Il offre ses services en qualité de coursier.
Juché sur la mobylette transformée artisanalement en tricycle, Sidnoma Souleymane Ouédraogo, arpente les rues de Ouagadougou, la capitale politique du Burkina Faso et joue le rôle d’entremetteur. Courses et livraisons, payement de factures, démarches administratives, ce-sont là les services qu’offre ‘’Souley, le coursier sans pieds’’.
Sidnoma Souleymane Ouédraogo est une personne à mobilité réduite. Né apte, le 16 juillet 1972 à Ouagadougou, M. Ouédraogo est touché par la poliomyélite alors qu’il n’avait que « deux ou trois ans ». Conséquence, sa motricité est réduite. Cela aura aussi eu pour corollaire, une scolarité interrompue. « Je suis allé à l’école jusqu’en classe de Troisième », relate-t-il.
« Je n’ai pas besoin de cacher le handicap que tout le monde voit »
‘’La vérité est bonne’’. Traduit du mooré au français, c’est ce que donne le prénom, Sidnoma, de celui qui, lors de la soirée du mercredi 29 janvier 2020 a été reçu à Burkina 24. Assis sur sa moto et bien drapé dans sa tenue de travail de couleur violet, « pour être sérieux », c’est tout souriant que Sidnoma Ouédraogo s’est confié sur le choix de son surnom ‘’Souley, le coursier sans pieds’’ et bien d’autres choses.
Pourquoi avoir mis l’accent sur le handicap ? « Parce que je porte un handicap physique visible. Souley le coursier sans pieds, c’est pour que les gens sachent que des personnes qui vivent avec un handicap, il y en a plusieurs (…). Je n’ai pas honte, je n’ai pas besoin de cacher le handicap que tout le monde voit quand même », confesse-t-il, tout en fustigeant l’attitude de certaines personnes à mobilité réduite.
« Bon nombre de personnes handicapées utilisent le handicap pour autres choses. Moi j’ai pensé qu’il faut proposer des services au grand public que de leur réclamer quoi que ce soit. Si je leur propose un produit, avec l’éthique, j’ai pensé que cela pouvait intéresser les gens que d’aller dans la rue, me mettre au feu de stop (…). Je peux être prestataire malgré mon handicap ». Ainsi, M. Ouédraogo a refusé de tendre la sébile.
Vidéo – Souley, le coursier sans pieds
Burkina 24
Après la classe de troisième, sur conseil de ses parents, M. Ouédraogo a rejoint un centre de formation pour personnes handicapées. Acceptant sa situation sans pour autant cautionner la fatalité, le coursier sans pieds a enchaîné les métiers, dont le commerce, avant de se décider à se lancer dans son nouveau gagne-pain, celui de coursier, suite aux conseils d’une amie.
« J’ai une amie de très longue date, une expatriée. Je faisais des courses personnelles pour elle. Je partais chercher du courrier, je payais des factures. Après, j’ai mûri la réflexion. Si je peux faire toutes ces courses pour elle, pourquoi ne pas faire la proposition à d’autres personnes ? Ensemble, on a créé le projet. Elle n’est plus au Burkina Faso, mais j’évolue dans mon activité », confie le coursier.
Père de deux filles, l’homme de 48 ans a ainsi débuté son activité en novembre 2019. Jeune entreprise informelle, le promoteur nourrit l’espoir de la formaliser et « un jour », employer d’autres personnes qui pourront l’aider à gérer sa clientèle, « une quarantaine » pour le moment. Même s’il ne se frotte pas très bien les mains, pour l’instant, Souley ne se tourne pas les pouces.
« Je déteste particulièrement la fainéantise. Je déteste qu’une personne, bien portante, se lève tous les matins, s’assoit à un endroit pour dire que ça ne va pas. Il faut qu’on se batte ».
Souley, le coursier sans pieds
Mais le coup de gueule du quadragénaire est inhérent au combat mené par les personnes à mobilité réduite. Il s’agit de l’inexistence d’infrastructures facilitant l’accès à certains bâtiments, tant publics que privés. Malgré tout, le coursier reste optimiste : «j’ai foi et je suis convaincu que je vais atteindre le bout ».
Ignace Ismaël NABOLE
Burkina 24