Secrétaire exécutif adjoint et porte-parole de la Nouvelle alliance du Faso (NAFA), parti d’opposition, Aziz Dabo est l’un des jeunes qui s’ouvre un chemin dans la sphère politique nationale. Très proche de Djibrill Bassolé dont il considère comme « un repère », il s’est confié à Burkina 24, le lundi 27 janvier 2020.
Burkina 24 (B24) : Quel regard jetez-vous sur la politique menée par vos aînés ?
Aziz Dabo : D’abord, je voudrais remercier les aînés parce que ce sont des repères. Mais pour certains aînés, je ne suis pas du tout satisfait de la conduite de la politique. Ils sont arrivés aux affaires très jeunes mais en même temps, j’ai bien l’impression qu’ils refusent de faire la promotion de la jeunesse. Et encore plus grave, j’ai constaté que certains aînés manœuvrent de telle sorte à ce que l’ennemi d’un jeune, dans le cadre politique, est un jeune qu’ils manipulent, ce qui n’est pas forcément très bien.
Ils doivent travailler à unir, à inculquer à ces jeunes, certaines valeurs pour qu’au soir de leur vie, ils puissent quand même être satisfaits d’avoir fait œuvre utile pour leur pays, c’est-à-dire d’avoir travaillé à former une relève efficace et efficiente pour le Burkina Faso. Par exemple, vous verrez qu’au niveau du dialogue politique, il n’y a eu aucun jeune et les questions relativement à la jeunesse, si je ne me trompe, c’était uniquement que deux points, alors que la population du Burkina Faso est essentiellement jeune.
Lorsqu’il s’agit des luttes, on mobilise les jeunes afin qu’ils sortent, comme les femmes aussi qui sont mobilisées pour qu’elles sortent. Mais lorsqu’on en vient aux postes de responsabilité, on a bien l’impression que c’est le même groupe depuis plus d’une trentaine d’années aux affaires qui se retrouve et se partage les postes de responsabilité, ce qui n’est pas forcément bien. Parce que nous devons apprendre, petit à petit, et pouvoir demain appliquer ce que nous avons appris.
B24 : Mais il y a cette philosophie qui dit que c’est à la jeunesse de faire ses armes et de s’imposer…
Aziz Dabo : Absolument. Mais reconnaissez que ce n’est pas évident et il faut qu’il y ait la volonté de ceux qui nous gouvernent, de ceux qui nous dirigent pour faciliter un certain nombre de choses. Ce que je regrette aussi au niveau de la jeunesse, c’est qu’il n’y a pas cette union et cette solidarité. Les femmes par exemple, elles ont manœuvré de telle sorte à ce qu’une loi soit votée au niveau de l’Assemblé nationale par rapport au quota des femmes. Ce qui serait bien, c’est que la jeunesse prenne conscience que nous devons nous retrouver, nous devons nous unir parce que nous avons des intérêts communs.
B24 : De sorte à avoir aussi une loi sur le quota pour les jeunes ?
Aziz Dabo : Pourquoi pas ? Partout on parle de la promotion de la jeunesse. Mais dans les faits, on ne le voit pas en réalité sur le terrain.
B24 : Vous êtes reconnu être un inconditionnel de Djibrill Bassolé. Quel est le secret d’une telle fidélité ?
Aziz Dabo :
Burkina 24
B24 : Parlant de trahison, Djibrill Bassolé a été condamné à 10 ans de prison ferme dans le procès du coup d’Etat pour trahison. Est-ce que cela a ébranlé votre regard sur la personne ?
Aziz Dabo : Absolument pas. Je suis toujours resté moi-même, serein et imperturbable. Voilà un procès du putsch manqué où on trouve que monsieur Bassolé, pour attentat à la sûreté de l’Etat, ce qui est le coup d’Etat, il est non coupable. Complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, non coupable, blessures volontaires, non coupable, et en même temps on trouve qu’il a trahi. Nous on s’est toujours posé la question : comment quelqu’un qui n’est pas coupable du coup d’Etat peut avoir trahi ? Quand a-t-il trahi ? Comment il a trahi ?
Nous l’avions toujours dit depuis le début, c’est un procès politique et tout l’a démontré durant ce procès qui était assez unique en son genre. En même temps, certains pour les mêmes faits se sont retrouvés sur le banc des accusés et d’autres comme témoins. Ce qu’on peut déplorer, c’est que la justice soit instrumentalisée à des fins politiques, ce qui n’est pas forcement bien, ne serait-ce même que pour l’image de notre pays le Burkina Faso.
B24 : Djibrill Bassolé est interné, que pouvez-vous nous dire sur son cas actuellement ?
Aziz Dabo : Par rapport au cas Bassolé, je peux dire qu’on ne peut gouverner dans la haine, on ne peut gouverner avec la haine en bandoulière. Parce que tout ce qui est relatif à Bassolé, tout ce qui est en rapport avec Bassolé, prend une certaine proportion parfois indescriptible.
Son crime aujourd’hui, c’est à un moment, après avoir occupé certaines fonctions sur le plan national et international, il a estimé qu’il pouvait être Président du Faso en se portant candidat à la magistrature suprême.
Depuis cet instant, si vous avez suivi l’actualité politique nationale, toutes les manipulations et machinations ont été mises en œuvre pour l’empêcher d’être candidat et bien plus grave, pour attenter même à son intégrité physique. Voici aujourd’hui un monsieur qui a apporté énormément au Burkina Faso mais qu’on a travaillé de telle sorte à ternir son image. Et je regrette vraiment comme je l’ai dit, que la justice soit utilisée, soit instrumentalisée à des fins politiques.
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B24 : Depuis des mois, la NAFA, dont Djibrill Bassolé est le leader, est restée silencieuse sur le sort de ce dernier. Qu’est ce qui explique ce silence ? Est-ce un désintéressement ?
Aziz Dabo : Ce n’est pas un désintéressement. On ne peut pas tout dévoiler sur la place publique. Il y a des moments où nous choisissons de mener un certain nombre d’activités. Il y a d’autres moments aussi où nous choisissons d’autres types d’activités en espérant que cela peut être beaucoup plus porteur. Lors du Dialogue politique, toute l’Opposition a, à travers un plaidoyer, invité les autorités en place à tout mettre en œuvre pour l’évacuation sanitaire du Général Bassolé.
La NAFA est partie prenante du Chef de file de l’opposition. Vous avez peut être vu que le Chef de file de l’opposition (Zéphirin Diabré, ndlr) a envoyé une correspondance au Président du Faso pour l’inviter à se pencher sur le cas de monsieur Bassolé. Tout cela, ce sont des actions que nous mettons en œuvre pour soutenir monsieur Bassolé.
B24 : Du vote des Burkinabè de l’étranger, il y a eu un long débat et au finish, moins de 15.000 inscrits sur un potentiel de deux millions. Est-ce un échec des politiques ou un désintéressement de la diaspora ?
Aziz Dabo : J’étais à Abidjan, j’ai fait un tour au niveau du Consulat général. J’ai pu voir l’évolution de la situation d’enrôlement là-bas. Il faut le dire, depuis le vote du Code électoral assez controversé, nous l’avions dit, il y a des réalités à l’étranger qu’il ne faut pas occulter. Les enclaves diplomatiques utilisées seules comme lieu de votation et comme lieu d’enrôlement ne sont pas appropriées.
Vous vous imaginez, est-ce qu’il est possible à certains de parcourir plus de 500 km pour se faire enrôler ? C’est très difficile. C’est pourquoi nous l’avons souhaité qu’au vu du Traité d’amitié et de coopération qui existe entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, et aussi demandé aux pays amis où il y a une forte concentration de Burkinabè, qu’on puisse effectivement avoir des lieux de votation en dehors des enclaves diplomatiques et des lieux d’enrôlement.
En demandant à ceux qui étaient en mission, ils ont tenté un enrôlement en dehors d’une des enclaves diplomatiques. Il leur a été notifié que nous n’avions pas les autorisations pour le faire. Il faut aussi ajouter que, des informations qui me sont parvenues, l’information n’a pas été assez véhiculée.
Aussi, vous voyez ceux qui sont à l’étranger, ils n’ont pas forcément de CNIB (Carte nationale d’identité burkinabè, ndlr). Il était impossible pour quelqu’un de venir faire sa CNIB en même temps et de s’enrôler parce que le numéro qui est sur le coupon de la CNIB ne correspond pas au numéro qui est sur la CNIB, alors que c’est le numéro de la CNIB qui est utilisée pour l’enrôlement. Il fallait donc venir faire sa CNIB, attendre 10 jours pour que la CNIB revienne et après ça, venir s’enrôler.
Pour beaucoup de personnes, cela n’a pas pu se faire et la période aussi, il faut le dire, à l’étranger nos compatriotes, ils ne sont pas forcément disponibles.
B24 : La Présidentielle approche. Les candidatures se déclarent. La NAFA proposera-t-elle un candidat ?
Aziz Dabo : Pour l’instant, nous sommes en réflexion. Mais aujourd’hui, l’une des priorités au niveau de notre parti, c’est la question de la santé de notre leader, c’est poursuivre l’enracinement de la démocratie au Burkina Faso, parce que nous estimons que la politique ce n’est pas la guerre, c’est l’art de gérer les désaccords. Nous avons plus intérêt aujourd’hui à nous mettre ensemble pour combattre les ennemis que nous avons. Nous devons transcender nos divergences, elles doivent être uniquement idéologiques.
B24 : Quel message avez-vous à l’endroit des Burkinabè ?
Aziz Dabo : Nous devons tout mettre en œuvre pour préserver les acquis que nous avons. Des retours, la haine, la vengeance, la méchanceté sont en train de prendre des proportions qui sont assez inquiétantes. Et c’est l’occasion pour moi de dire aux jeunes, unissons-nous, engageons-nous en politique parce que si nous ne le faisons pas, nous allons subir les politiques de ceux qui se seraient engagés.
Propos recueillis par Ignace Ismaël NABOLE et Madina TOE
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